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Fabrice Daout : « J’ai coiffé Johnny ! »

En apprentissage à 15 ans, gagnant du mondial de la coiffure à 18 ans, gérant de son propre salon à 21 ans, baroudeur inspirant et inspiré de Dubai, Bali, l’Australie, la Nouvelle Zélande ou la Nouvelle Calédonie, Fabrice Daout est de ses artistes incontournables de l’île de La Réunion, un homme aux ciseaux d’Or qui sait vous transformer, vous révéler et vous rassurer…
Ne vous privez pas d’un 1er rendez-vous chez OZ Coiffure rue Juliette Dodu… Une belle addiction vous guette…

Grenadine : Fabrice, quel est donc votre parcours ?

Fabrice : je suis né sur les bords du lac de Constance, en Suisse Allemande, d’une mère coiffeuse et d’un père militaire que nous suivions ici et là au gré de ses affectations. C’est peut-être ce qui explique en partie mon choix professionnel et ce besoin de bouger, ma tendance à refuser inconsciemment tous les contextes d’obligations et d’autorités. A 15 ans, rebelle en quête d’un idéal, j’ai dû quitter le standard du système scolaire pour intégrer une école de coiffure … à Londres ( !), la France n’offrant pas de parcours d’apprentissage en deçà de 16 ans. Sans appréhension et presqu’inconsciemment, j’ai saisi cette opportunité de goûter à la liberté, j’ai pris seul l’Overcraft à Boulogne-sur-Mer et le train pour gagner la capitale anglaise. Depuis petit je dessinais, j’étais attiré par la déco, la mode. J’aurais pu être couturier, j’aime transformer, souligner une silhouette, façonner et révéler un modèle. En immersion dans l’une des plus grandes cités cosmopolites, j’ai appris l’anglais en 6 mois, vécu là-bas l’expérience extraordinaire d’une discipline devenue une passion : La coiffure. Deux ans et demi plus tard, je retrouvais Paris, aguerri par cette formation et propulsé par l’envie forte de conquérir le monde de la coiffure.

J’ai remporté le Mondial de la coiffure à l’âge de 21 ans

Comment se traduit cette envie de conquête ?
Je suis un pionnier, volontaire et déterminé. J’intègre très vite le CACF (Centre Artistique de la Coiffure Française) pour passer mes premiers concours de coiffure. J’y consacre quasiment tous mes dimanches avec une prédilection pour les coiffures de soirées et de mariage. Les compétitions font monter l’adrénaline, c’est du haut niveau, on y apprend certes la technique mais aussi l’humilité, l’inventivité et la persévérance. Je ne vis que « par » et « pour » la coiffure tant se mêlent sacrifices et passions. Je m’entraîne et m’exerce comme un sportif professionnel. Les efforts portent leurs fruits. Je gagne de nombreux prix : le trophée des Hunaudières au Mans, un premier concours national à Lyon et… en 1989… je remporte le mondial de la coiffure organisé à Paris. Ma vie change : Monsieur Jacques Dessange me repère et me propose d’intégrer son équipe de créations artistiques avenue Franklin Roosevelt, l’antre du maître, de ces lieux où n’évoluent que les talents et les grandes pointures de la coiffure, un challenge incroyable que j’accepte alors sans once d’une seconde de réflexion. Dans ce salon de prestige j’officie côté Formation, école de training et coiffure de la clientèle souvent triée sur le volet. Le tout Paris s’y donne rendez-vous, les inconnus côtoient les personnalités en toute simplicité, je coiffe Catherine Deneuve, Jeanne Mas, Julie Pietri à la fois naturelles et discrètes, j’accompagne un grand homme : Bruno Pittini, Directeur artistique de la maison Dessange coiffeur de Laetitia Hallyday à l’occasion du mariage de celle-ci et je rencontre Johnny interpellé par mon Harley exposée devant le salon. Un homme incroyablement simple, généreux de cœur et d’âme. Nous sympathisons sans façon et, -de fil en aiguille-, il impose que je sois celui qui lui fera des mèches… j’ai changé Johnny !
Nous nous retrouverons plus tard, -par les plus grands hasards-, je vis alors la fabuleuse aventure d’un road trip dans l’ouest américain, la mythique route 66 en moto, avec un artiste d’exception : c’est juste fabuleux ! Parcourir la route 66 avec Johnny, un rêve.
Je prends de l’assurance, Monsieur Dessange me fait confiance, il me délègue régulièrement l’ouverture de salons ici et là dans le monde… à Dubai et dans toutes les grandes cités d’Europe… J’apprends souvent à la dernière seconde qu’un avion m’attend pour officier à l’autre bout de la terre… je vis un rêve éveillé…

Et comment se fait votre arrivée sur l’île de La Réunion ?
J’ai besoin de bouger, de parcourir le monde et d’aller chercher d’autres inspirations. J’arrive à La Réunion en 1992, terre de métissages pour y prendre la gérance du salon St Hugh, rue de La Bourdonnais. J’apprends le travail de toutes ces textures de cheveux, l’alliance difficile du climat et de la nature capillaire. J’y rencontre aussi l’Amour et vis ce bonheur d’être papa pour la première fois. En 1995, je retrouve Montpellier, ville repère de mes plus tendres années pour y ouvrir le salon « Williams », un choix d’enseigne inspiré par le monde de la formule 1, l’illustration de toute mon attirance pour la vitesse et le danger de ses limites. Williams c’est aussi un peu l’allusion aux lames de rasoir qu’utilisent parfois les artistes de la coiffure. Mes jumeaux naissent en 1996, un bonheur multiplié par 2 ( !), en 1997, toujours en quête de liberté et d’évasion lointaine, je me retrouve à Nouméa, baie des Citrons, pour l’ouverture d’un salon Dessange. En 1999, je rentre me poser à Montpellier, l’instant de me ressourcer et de nouveau improvise la Nouvelle Calédonie, en bateau cette fois. Je navigue au gré des îles, parcoure l’océan pacifique de la Polynésie aux Marquises en passant par la Nouvelle Zélande, je travaille en mode itinérance et à mon rythme, je me laisse porter par le destin, sans contraintes, comme pour compenser une longue période de tourbillons et de sacerdoce.
Je reviens sur la Réunion en 2000 reprendre la gérance du St Hugh. Deux mois après ce retour, j’ai un grave accident de moto, je suis poly-traumatisé, cloué sur un lit d’hôpital, les bras et les jambes immobilisés. Mon corps dit « stop », la douleur me contraint à la raison, je me reconstruis petit à petit par la force d’un mental et d’une énergie que je puise au plus profond. En 2001, je sors de l’hôpital, mon jeune frère me tend la main, il m’aide à prendre la direction du Pablo Estéban, je retrouve enfin mon univers animé pour le coup d’un nouvel enthousiasme. Je renais. Le succès du salon est tel que je dois très rapidement troquer le petit 20 m2 contre une plus grande surface, je reprends l’ancien local de la Française des Jeux à St Denis que je transforme en un immense espace de bien être, 300 m2 consacré à la coiffure, aux soins et à la détente. Je coiffe Jean-Pierre Foucault, Surya Bonaly, Philippe Candeloro… je travaille sur des plateaux télé. Mon dernier fils nait, la vie reprend le dessus. Le répit ne sera que de courte durée, un souci de santé en 2008 me contraint à prendre du recul, je décide alors de partir en Australie. 3 années d’expériences nouvelles. Je travaille dans un premier temps chez Maxeem à Perth, dans l’ouest australien, puis je rejoins Pierre Haddad « the most popular hairdresser » sur Pitt Street, dans cette belle ville de Sydney.

Et OZ Coiffure, votre salon actuel ?
J’ai ouvert ce salon en 2014. OZ c’est à la fois « Australia => Aussie => Ozzie => Oz », c’est aussi le magicien d’OZ ou la traduction de « Force » en hébreu mais également OSER car il faut de l’audace pour un parcours comme le mien. Plus que ce moteur, c’est l’envie de toujours me challenger dans ma passion. Aujourd’hui la cliente recherche du pratique, une coiffure facile à reproduire chez elle, rien que cette attente impose un savoir-faire et une technique aigue. La clientèle est devenue très exigeante, l’apparence prend beaucoup d’importance, et dans notre société, et dans le bien être de chacun. Le secret du succès repose beaucoup sur la confiance et le feeling entre le coiffeur et sa clientèle. Moi, j’aime créer, révéler la beauté, rendre heureux, faire du bien. J’aimerais changer les esprits, faire que chacun vive librement comme il l’entend et non comme l’autre voudrait qu’il soit. Aujourd’hui l’insouciance a laissé place à la méfiance. Les jeunes qui débutent dans la vie active revendiquent bien plus leurs droits que leurs motivations profondes, ils manquent souvent d’ambition, pour réussir il fait être curieux, travailler, s’investir, donner pour recevoir. Monsieur Dessange disait à juste titre « Moi je suis Jacques Dessanges, pourquoi pas Vous ».

Et demain Fabrice ?
Je suis célibataire, libre donc d’improviser ma vie. Mon rêve serait d’ouvrir ici ma propre école de coiffure, de créer un institut à portée internationale qui puisse se nourrir de toute les richesses culturelles et capillaires de l’île pour partager un message qui n’a pas de frontière « Ne vous mentez pas à vous-même, OZEZ ! »…

Interview: Nadine Gracy
Photos: Pierre Marchal

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